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L'oursin, animal de laboratoire

Michel Delarue

 

L'organisation pentaradiée des échinodermes a toujours été, pour les zoologistes, un sujet d'étonnement, tant cette organisation diffère de la symétrie bilatérale majoritairement répandue chez les métazoaires triblastiques. De plus, avec le développement des laboratoires de Biologie Marine dans la deuxième moitié du 19ème siècle, l'organisation bilatérale de leurs formes larvaires, ainsi que leurs métamorphoses ont été rapidement découvertes. Plus récemment, les premières connaissances sur les evénements cellulaires et moléculaires de la fécondation furent acquises grâce au modèle oursin.

Les échinodermes sont donc apparus très tôt comme un bon modèle pour l'étude du développement embryonnaire. Outre les raisons scientifiques, de nombreux avantages matériels ont facilité cette orientation. La récolte de certaines espèces dans la zone de balancement des marées ou à faible profondeur en a facilité l'approvisionnement. Le maintien en élevage dans les stations de biologie marine, mais aussi la possibilité de transporter les animaux en containers et de les éléver en eau de mer reconstituée, en ont favorisé l'étude, parfois loin des bords de mer.

Enfin, la facilité avec laquelle on peut obtenir un très grand nombre de gamètes, la transparence des oeufs, des embryons et des larves, la possibilité d'effectuer des fécondations artificielles et le synchronisme rigoureux des étapes du développement ont contribué à élever certaines espèces au rang de système modèle.

A l'heure actuelle, l'un des échinodermes le plus utilisé est certainement l'oursin Paracentrotus lividus, commun sur nos côtes.

Récolte

Les oursins peuvent se récolter soit à marée basse, soit en plongée. Ce sont des animaux fragiles et leur transport hors de l'eau ne doit pas excéder 24 heures. A sec, le taux de mortalité devient maximum au delà de cette période. Les fournisseurs sont habituellement les stations de biologie Marine de nos côtes ( se renseigner auprès de leurs secrétariats).

Elevage en laboratoire

Le maintien des adultes en laboratoire nécessite des aquarium d'eau de mer recyclée, filtrée et aérée à l'aide d'un diffuseur d'air comprimé. L'eau de mer, disponible à volonté dans les stations de Biologie Marine, peut être importée par containers à partir de ces mêmes organismes. Il existe également dans le commerce des préparations toutes faites pour reconstituer et entretenir de l'eau de mer artificielle. La température optimum de conservation des adultes doit être comprise entre 14 et 18°C.

Obtention des gamètes

Selon les régions, la saison de maturité de Paracentrotus varie du mois de janvier au mois de juin. En règle générale, le maximum de chances d'obtenir des adultes en période de reproduction se situe aux alentours de l'équinoxe de printemps. Il n'existe pas de caractères sexuels secondaires permettant de reconnaître les mâles des femelles. Cependant, en période de maturité, il n'est pas rare d'observer l'émission des produits génitaux au niveau du pôle aboral. Ceux-ci sont oranges chez les femelles et blancs chez les mâles.
Paracentrotus femelle et mâle.

A moins que les animaux n'émettent spontanément leurs gamètes, il faut les récolter artificiellement. Deux méthodes peuvent être utilisées, l'une traumatique, l'autre chimique.
Dans le premier cas, le test calcaire est découpé le long de l'équateur à l'aide d'une paire de ciseaux ou d'une large pince coupante. On peut alors observer les gonades mâle ou femelle disposées de façon pentaradiée.
Oursins femelle et mâle ouverts montrant les gonades.

Les ovaires sont ensuite prélevés et récoltés dans un bécher rempli d'eau de mer. Puis, le contenu est agité lentement à l'aide d'une spatule, ce qui a pour effet de favoriser la libération des oeufs. La suspension est ensuite filtrée sur une gaze en nylon dont le maillage est supérieur à 100 microns. Dans ces conditions, on peut obtenir une quantité moyenne d'oeufs par femelle de l'ordre de 2.107.
Les testicules peuvent être conservés en l'état pendant 24 heures 4°C .

gonades femelle récoltées dans un bécher.
Dans le deuxième cas, les oursins sont injectés avec de l'acetylcholine 0,1molL-1, ou du KCl 0,5molL-1 au niveau de la région orale. Il suffit ensuite de placer les oursins sur un récipient (par exemple, un Bécher) rempli à raz bord d'eau de mer, le pôle aboral vers le bas de façon à ce qu'il soit immergé. On ne tarde pas, alors, à observer la lente descente des produits génitaux vers le fond du récipient où ils s'accumulent.
Emission des produits génitaux.
Fécondation

Le prélèvement des gonades ainsi que le déclenchement de la ponte provoquent la maturation des ovocytes. Ceux-ci sont donc parvenus au stade ovotide après avoir émis leurs deux globules polaires. C'est à ce stade qu'ils sont fécondables.
Bien que des mécanismes cellulaires protègent l'oeuf fécondé contre la polyspermie, une concentration excessive en spermatozoïdes peut provoquer l'entrée simultanée de plusieurs d'entr' eux (ce qui a pour conséquence de perturber les divisions cellulaires qui suivent la fécondation). Les spermatozoïdes doivent donc être dilués dans l'eau de mer. De même, les ovotides doivent être resuspendus à raison de 5 à 10 % en volume dans l'eau de mer.
Il est conseillé d'effectuer la réunion des gamètes dans un grand récipient afin de garder en réserve un lot d'embryons en développement:

1- Préparer une dilution de 250 à 300 ml de spermatozoïdes dans un Bécher de 500 ml.
2- Ajouter un volume proportionnel au volume initial de la suspension d'ovotides.
3- Agiter lentement pendant quelques minutes pour favoriser la rencontre des gamètes.
4- Prélever à intervalle régulier quelques gouttes de milieu pour l'observation au microscope.
5- Agiter lentement de temps à autre afin de remettre en suspension les oeufs fécondés. Ceux-ci ont tendance à sédimenter et à former des amas favorables à l'anoxie (ce qui a pour conséquence de provoquer des anomalies, voire des blocages du développement). L'idéal est de disposer d'un agitateur mécanique brassant régulièrement et très lentement le milieu, semblable aux installations utilisées pour maintenir en élevage le plancton.

Un tel dispositif permet d'assurer un développement normal jusqu'au stade pluteus pour la majorité des embryons. Si l'on n'en dispose pas, on peut effectuer le fécondation de la manière suivante:
1 - Préparer une lame histologique 76X26 mm, une lamelle 24X24 mm lavées et dégraissées ainsi qu'une plaque de pâte à modeler (plastiline).

2 - Frotter chaque angle de la lamelle sur une surface de pâte à modeler de façon à recueillir de la pâte aux 4 coins (attention à la pression exercée sur la lamelle!). Il est possible de remplacer la pâte à modeler par de la vaseline médicinale.

3 - Déposer une goutte de suspension d'ovotides au milieu de la lame

4 - Appliquer sur la goutte, la lamelle avec les coins de pâte à modeler dirigés vers la lame. La pâte sert de cale et permet d'augmenter la distance entre la lame et la lamelle. On réalise ainsi une chambre d'observation dans laquelle les oeufs puis les embryons pourront se développer sans risquer l'écrasement.

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Etapes successives de lélaboration de la chambre d'observation.
1 - La goutte d'eau de mer est déposée au centre de la lame.
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- La lamelle est approchée au dessus de la goutte à l'aide d'une pince fine.
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- La lamelle est appliquée progressivement sur la goutte. Celle-ci forme un ménisque et s'étale sur toute la surface de la lamelle.
4
-Les cales de pâte à modeler maintiennent une distance suffisante pour éviter l'écrasement des embryons en développement.

Cliquez sur les figures 2, 3 et 4 pour voir les animations.

 

5 - Sur le côté de la chambre d'observation, approcher l'extrémité d'une pipette Pasteur remplie de la dilution de spermatozoïdes.
6 - Injecter dans la chambre d'observation sans en faire déborder le contenu, une quantité suffisante de cette dilution.

Ce dispositif présente l'avantage de manipuler de petites quantités de milieu. Mais c'est aussi un inconvénient majeur car, l'évaporation latérale de la chambre d'observation conduit assez rapidement à une augmentation de la salinité de l'eau de mer (ce qui a pour conséquence, à nouveau, de provoquer des anomalies du développement). La meilleure façon de procéder est donc de réunir les avantages de ces deux protocoles en préparant une réserve d'oeufs fécondés dans un grand bécher et de prélever à intervalles réguliers des embryons en développement que l'on observera dans autant de chambres d'observation. Quant aux événements précoces consécutifs à la réunion des gamètes, on réalisera une fécondation directement dans une chambre d'observation afin de pouvoir les observer à temps.

Observation du développement embryonnaire

L'observation peut s'effectuer avec un microscope à lumière ordinaire muni d'objectifs faiblement grossissants. Un contraste de phase permet d'obtenir des observations plus complètes. Avant de poser la lame histologique avec sa chambre d'observation sous l'objectif du microscope, il est recommandé d'aplatir légèrement les cales de pâte à modeler en veillant à toujours laisser un espace suffisant pour le développement des embryons entre la lame et la lamelle. La mise au point s'en trouvera facilitée. Il est possible d'observer le développement embryonnaire jusqu'au stade pluteus, en maintenant les embryons dans l'eau de mer à une température comprise entre 10 et 15°C. Au delà, les conditions d'élevage se compliquent dans la mesure où les plutei doivent être nourris avec du phytoplancton. Les étapes du développement embryonnaire sont décrites dans la rubrique "De l'oeuf à l'oursin".

(Les séquences vidéo et les images sont tirés de documents personnels).

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Dernière modification : 20 octobre 2004
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